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Brigitte Gueyraud : rencontre du troisième type

26 peintures sur soie, 20 tableaux acryliques, une quinzaine de portraits. Telles sont les trois dimensions de l’exposition de Brigitte Gueyraud : une rencontre du troisième type intitulée par elle « surprises ».

Brigitte qui a aujourd’hui 31 ans et qui est ergothérapeute à Claude Bernard à Paris peint maintenant depuis 8 ans. C’est la première fois qu’elle expose à Bourgoin-Jallieu où sa famille habite depuis plus de 20 ans. Elle nous présente jusqu’au 16 avril au syndicat d’initiative une exposition étonnante de qualité et de personnalité. Un travail pictural qui sonne juste, qui ne s’embarrasse d’aucun faux semblant : le fruit d’une authentique démarche artistique.

Repousser les murs

Brigitte Gueyraud a tout d’abord fait de la salle d’exposition du syndicat « son » lieu. Elle a suspendu aux murs, mais aussi au plafond et contre les vitres. Elle a purement et simplement envahi le syndicat d’initiative pour plonger irrémédiablement le visiteur dans son monde où l’on finit par avoir une seule envie :celle de vivre au rythme intemporel et un peu surnaturel de ses œuvres aux titres qui s’amusent avec les mots comme Brigitte s’amuse avec la réalité, qu’elle détourne, comme pour créer son propre univers.

Les chemins du détour

Ses œuvres s’appellent « Bouffer un mort sot », « Allah Boulle », « Le Saut de l’Amore », « Tigre au Flan »,  « Feuilles de chaine », « A la mi-temps le scorps », « Au bord d’elle », « l’Amante religieuse », « Eau Truie », « Gens Marais », « la Vie Deo »…
Même jeu dans les œuvres où Brigitte avoue se raconter une histoire quand elle peint.
On est dans l’univers du conte que l’artiste affectionne.
On se sent à l’orée d’un monde qui aux époques médiévales saluait et respectait licornes et mandragores.

Derrière ces soies satinées qui tremblent insensiblement au moindre souffle d’air, qui s’irisent selon l’angle du regard, on trouve aussi de ce parfum des Mille et une nuits : monde fantastique et exubérant, animaux sortis tout droit de l’imaginaire, bestiaire à mi-chemin entre l’Orient et l’Occident. C’est un chant du monde, une véritable ode à la création : Brigitte recrée le ciel et la terre avec sa seule imagination, un trait ferme et pur et toute la palette des couleurs.

Le regard

Enfin il y a ces portraits de personnes âgées qu’elle voit à Claude Bernard et près desquelles on aurait tendance à passer trop vite.
Quelle erreur ! Ces aquarelles de Brigitte sont remarquables par leur sensibilité et une technique étonnante de la part d’une autodidacte.
Pas un des ces portraits qui ne portent en lui l’histoire de toute une vie.
C’est une aquarelle qui s’impose avec une force extrêmement rare.
C’est un regard sur l’homme à la fois très profond et très humain : Brigitte sait être bouleversante.
On ne s’étonnera pas que Lord Penrose, le grand collectionneur qui a connu Mann Ray et Picasso lui ait acheté une de ses œuvres, ni qu’on lui confie des décors de théâtre ou d’opéra.
Brigitte a du talent et un omniprésent sens de la vie.

Une exposition admirable d’intelligence, de finesse, de sensibilité et de qualité picturale.
L’œuvre de Brigitte est aussi attachante que sa personne, c’est peu dire…

Le Dauphiné Libéré 7 avril 1988