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Alors que la vieillesse vous saisit, vous attire à elle, vous suce jusqu’à vous faire perdre toute votre sève, jusqu’à faire coller la peau aux os,
alors que le passage du temps vous prend vos forces physiques jusqu’à vous faire tomber, vous dissout l’énergie pour la fondre en dégénérescences,
je crois en vous.

Votre âme ? Que peuvent en faire Madame la Vieillesse et sa complice Madame la Mort ? Elles rodent, la narguent, l’insultent, mais votre âme résiste, votre âme est la vie.
 
Vous luttez,
parce que, même si on vous méprise de ne plus être rentables, vous êtes là avec ce combat de chaque instant et gardez le cœur haut,
parce que votre corps a toujours des ressources insoupçonnées,
parce que vous avez appris que la mort est une hyène qui vous guette, et qu’il faut sans cesse la déjouer,
parce que vous savez qu’on ne revient pas de ce voyage dans l’autre monde.
 
Moi, je veux vous faire vivre encore et encore,
vous peindre, n’est-ce pas vous prolonger ?,
parce que vous êtes uniques,
parce que vous avez échangé avec moi ce que vous avez connu, ce que vous avez été, ce que vous ressentez, ce que vous êtes,
parce que vos petits mouvements, vos regards discrets, vos ébauches de mots, vos presque-riens, ont une intensité qui m’aident à me connaître, à vivre moi-même.
 
Vous peindre,
c’est retenir le temps dans la pâte colorée,
c’est inscrire vos particularités dans les glacis,
c’est mêler votre courage aux pigments,
c’est caresser de mes pinceaux votre chair abandonnée,
c’est contempler ce que d’autres ont peur de voir,   
c’est perpétuer l’écho de ce que vous êtes,
c’est vous aimer.
 
Vous peindre, c’est encore et toujours approcher le mystère de la vie, c’est partager votre - notre - humaine condition.

Brigitte Gueyraud, 2010

Lettre à celles et ceux qui n'ont pas d'âge